Quelques années plus tard, mon Père avait fait l’acquisition d’une moissonneuse-lieuse d’occasion, toujours traînée par deux bons chevaux. A partir de ce moment, finie la javeleuse, plus de gerbes à lier à la main, car avec cette machine, les gerbes étaient liées et tombaient toute seules sur le côté. Dans une boite ronde, il y avait une pelote de ficelle qui passait par plusieurs endroits, des petits trous, pour arriver au lieur, ce fameux lieur qui avait révolutionné la moisson et qui tombait souvent en panne. Il fallait surveiller que les gerbes qui tombaient soient liées. Il arrivait qu’une ou deux ne soit pas liées: il fallait arrêter les chevaux et vérifier le lieur, qui était très compliqué pour nous, les petits. Du point de vue entraînement mécanique cette machine était conçue à peu prés comme la javeleuse, mais que de travail en moins !

Batteuse 1938

Nous n’avions pas une grosse production de céréales: elle servait uniquement à avoir de la farine et du grain pour les bêtes et nous apportions quelques quintaux  au silo de la coopérative agricole. Il y avait d’autres exploitations plus importantes qui faisaient venir la batteuse à la ferme. Cette imposante machine était mobile pour se déplacer d’une ferme à l’autre. Pour battre la moisson, elle restait en place sur l’aire, entre les gros gerbiers de blé, d’orge et d’avoine. Elle était entraînée par un gros tracteur de l’époque, souvent à chenille. Sur le coté du tracteur, il y avait une grosse poulie qui entraînait le mécanisme par l’intermédiaire d’une longue et large courroie de cuir. Cet écartement entre le tracteur et la batteuse diminuait les  risques d’incendie. Pour faire le travail, il y avait une douzaines de saisonniers, quelquefois plus, tous des costauds. A l’époque, ils gagnaient pas mal d’argent. Les uns étaient sur le gerbier et envoyaient les gerbes sur la batteuse. Les autres coupaient les ficelles. Les gerbes tombaient dans la batteuse, les épis passaient alors dans un batteur et un tamis à l’intérieur de la machine. La paille était ensuite expulsée vers l’arrière où elle sortait en grosses balles maintenues par des fils de fer. Deux ou trois hommes les chargeaient sur leur tête et construisaient un paillé. Une fois fini, le paillé était superbe. Les grains remplissaient des sacs en toile de jute sur le côté de la machine. 

Batteuse sacs de blé 1938

Il n’y avait pas de journée de repos, ni dimanche, ni  jour férié, encore moins les 35 heures. Les hommes travaillaient du lever du jour à la tombée de la nuit. Tard le soir, ils faisaient leur toilette au puits ou à l’abreuvoir des chevaux ou un autre point d’eau. Je me souviens que lorsqu’ils battaient à la bastide voisine du Mallet, ils venaient tous se laver et prendre le bain dans notre bassin. La nuit, ils dormaient sur le paillé ou sur les sacs de blé. Avant le coucher, le patron de la batteuse leur confisquait les cigarettes et les briquets ou allumettes, question de sécurité.

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