Nous sortions de l'école à onze heures du matin et il nous fallait descendre à la bastide pour le repas de midi. En deux heures, nous devions descendre, manger et remonter à l'école. Nous envions les enfants qui habitaient au village. Lorsque nous rentrions les soir, en hiver, les jours de grand froid, il nous était parfois presque impossible d'avancer, courbés face au mistral qui sifflait dans les fils électriques. "Heureusement qu'il ne fait pas toujours Mistral en Provence !" Arrivés à la maison, notre mère nous réconfortait. Assis sur une chaise, nous réchauffions nos mains et nos pieds sur la porte du four de la grosse cuisinière. Les culottes courtes nous irritaient l'intérieur des cuisses et provoquaient des gerçures. Nous goûtions de pain et de chocolat Meunier, d'un peu de confiture maison.

Je suis resté quatre ou cinq ans dans la grande classe, de la troisième division je suis passé à la deuxième, mais jamais en première: j'avais du mal à suivre les leçons, et pourtant j'y mettais de la bonne volonté ! J'étais émotif. par exemple, j'apprenais une leçon sur le bout des doigts, avant d'entrer en classe je la révisais, j'avais peur que le maître m'interroge: "Marcel, récite-moi la leçon !" Je me mettais debout, je devenais rouge comme une tomate, et rien ne sortait; j'étais comme paralysé; les autres se moquaient de moi, le maître pensait que n'avais pas appris la leçon, j'avais envie de pleurer et... le maître me disait de me rasseoir. J'ai gardé cette émotivité jusque tard dans ma vie; j'ai bégayé jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans puis cela a fini par passer.

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