L'école des garçons avait deux classes, la petite et la grande comme nous les appelions. Dans chaque classe, il y avait trois divisions. Quand nous sommes venus habiter à Fuveau, j'avais huit ans, j'étais dans la première division de la petite classe, mon frère était dans la grande classe; on se retrouvait à la récréation.

Logements des Instituteurs de l'école laïque de Fuveau

La deuxième année, j'étais dans la grande classe. Notre maître, M. Lebellec, était un breton très sévère avec nous et encore plus avec son fils qui était dans ma classe. Je le revois avec ses petites moustaches, sa blouse grise, son béret sur le côté. Il portait toujours des sabots qu'il faisait venir de sa Bretagne natale. Avant d'entrer en classe, nous nous rangions deux par deux au pied des escaliers, tous vêtus de la même blouse noire et coiffés du même béret, sauf les enfants des milieux un peu plus aisés dont la blouse était ornée d'un liseré rouge le long de la couture. Nous devions rentrer en classe en silence, accrocher bérets et manteaux au porte-manteaux qui se trouvait au fond de la classe.

Dans la classe, il y avait une rangée de quatre ou cinq bureaux pour chaque division et nous étions environ trente élèves. Au fond de la classe, il y avait un poêle à charbon que nous allumions le matin. Dans cette région minière, le charbon était gratuit pour les écoles. Par les deux grandes fenêtres, on pouvait regarder les moineaux perchés sur les platanes de la cour. Le bureau du maître était perché sur une estrade, juste en-dessous d'un portrait du maréchal Pétain. A droite de l'estrade se trouvait le tableau sur lequel, chaque matin, M. Lebellec écrivait la date. Je revois encore ces années: 1940, 1941, 1942.

La cour de l'école, derrière les logements des instituteurs

Pendant la guerre, dans la cour de récréation, il y avait un mât, et chaque matin, deux élèves hissaient lentement les couleurs. Nous saluions le drapeau tricolore en chantant "Maréchal nous voilà". Défense de rire et gare aux punitions...

La journée de classe commençait par la leçon de morale, qui ne durait que quelques minutes, mais il fallait bien s'en souvenir, car les jours suivants, le maître nous interrogeait sur cette leçon.

Les punitions étaient très dures: les lignes à copier le soir à la maison et à faire signer par les parents, le piquet, le bonnet d'âne... mais la plus dure c'était lorsque, à genoux sur une règle, les bras en croix, le maître nous posait un livre dans chaque main. Parfois, les larmes coulaient sur nos joues. Quand le maître, pour une raison ou une autre, nous donnait une paire de gifles, nous n'allions pas le dire à nos parents, de peur d'en recevoir autant de notre père ! Jamais je n'ai vu un parent d'élève venir au portail de l'école. Il leur était formellement interdit de pénétrer dans la cour de l'école pour réclamer des comptes au maître. Les instituteurs étaient respectés, personne n'aurait osé lever la main sur un maître d'école.

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