Les
Moissons
Pour vous décrire les moissons et le foulage des grains (dépiquage en Français) ce n’est pas dur pour moi qui l’ai connu et pour l’avoir fait depuis mon plus jeune âge. Je m'en souviens comme si c’était hier, et pourtant il y a déjà une soixantaine d’années de cela.
Les moissons, dans les années 40 n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui, qui sont mécanisées à outrance. Tout se faisait à la main, nous étions nombreux (trois ou quatre) pour tout faire à la force des bras. Ce travail était très éprouvant à cause de la chaleur et de la poussière. On moissonnait de la mi-Juillet à la mi-Août, au plus gros de la chaleur, lorsque le grain était mûr, prêt à être moissonné.
Environ quinze ou vingt jours avant le début des moissons, il fallait préparer l’aire ( la surface plane où l’on bat le grain): un cercle d’environ 10 à 12 mètres de diamètre, toujours en plein soleil, jamais à l’ombre, pour que les épis craquent plus facilement. Certes, nous aurions aimé faire ce dur travail à l’ombre, mais c’était une chose impossible. Au centre de l’aire, un mât en bois était planté, ( en Provençal, lou Paou). Certains mâts avaient un gros carré de pierre taillée d’une cinquantaine de centimètres de côté avec au centre un trou pour recevoir le poteau. Le mât avait une hauteur de 2m50 environ. Pour rendre l’aire dure et plate avant le foulage, il fallait arroser le sol, puis étendre de la paille, et faire tourner le cheval avec le rouleau de manière à faire un torchis, et recommencer cette opération plusieurs fois dans la semaine, jusqu’à ce que, sous la chaleur du soleil, la terre devienne dure comme du ciment.
Il fallait planter, au sommet du poteau une bobine, le tourniquet. Cette bobine jouait un rôle principal tout au long du foulage. Autour de la bobine était enroulée une petite corde, plus longue que le rayon de l’aire. Cette corde était attachée à la bride d’un cheval ( du coté gauche) qui lui était attelé à un rouleau de pierre, taillé par un tailleur de Fuveau. Le cheval, en tournant sur l’aire, enroulait la corde sur la bobine, et rapprochait le rouleau du centre. Après avoir fait plusieurs tours le cheval se rapprochait du poteau (paou). Il fallait faire attention à ce qu'il ne s’approche pas trop du centre, pour éviter que le rouleau accroche le poteau. Une fois le cheval assez près du centre, il suffisait de retourner la bobine pour qu’elle se déroule en sens inverse, et le cheval repartait de l’intérieur vers l’extérieur de l’aire, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Pour que le cheval soit toujours attiré vers la droite, et que la corde de la bobine soit toujours tendue, on attachait aux deux cornes en bois de son collier une vergue souple. L’autre extrémité était attachée à la bride, juste à la sortie du mors, ce qui formait un arc tendu qui maintenait le cheval toujours à droite de l’aire, pour ne pas qu’il avance tout droit.
Le cheval était attelé à un
rouleau en
pierre, de 50 à 60 cm de diamètre et d’un poids de 150 à 200 kg,
de forme conique. Il avait des
cannelures taillées dans le sens de la largeur, pour ne pas écraser les grains.
Les bras d’attelage étaient de forme arrondie dans le sens de l’aire:
les charrons étaient de véritables artistes pour réussir des brancards de cette forme.