Des classiques, à dire, à
réciter, à jouer...
Chez moi, René de Obaldia.
Automne, René-Guy Cadou.
La télévision, Jean-Luc
Moreau.
La croisade des enfants, Jacques Higelin.
Le corbeau et le renard, Jean de la Fontaine.
Ponctuation, Maurice Carême.
Il pleure dans mon coeur, Paul Verlaine.
Ma bohème, Arthur Rimbaud.
L'éléphantastique, Michel
François Lavaur
La pendule, Pierre Gamarra. |
Le cancre, Jacques Prévert.
Clown, Werner Renfer.
Et demain?, Jacques Charpentreau.
Les erreurs, Jean Tardieu.
La môme néant, Jean Tardieu.
Heureux qui comme Ulysse, chant G. Brassens.
Prenez un journal, Tristan Tzara.
Le chant de jubilation de Tsoai-Talee, N. Scott
Momaday
Le secret, René de Obaldia
Une graine, Alain Bosquet
Odile, Jean Cocteau
Collages, Jean Rivet |
Chez moi
Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son oeil brille
Quand Papa le peint en blanc.
Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.
Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or,
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.
Chez moi, dit le petit garçon
Vit un empereur chinois.
Il dort sur le paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.
Iroquois! dit la petite fille.
Tu veux te moquer de moi.
Si je trouve mon aiguille,
Je vais te piquer le doigt!
René de Obaldia
sommaire
Automne
Odeur des pluies de mon enfance,
Derniers soleils de la saison!
A sept ans comme il faisait bon,
Après d’ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison!
La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l’encre, le bois, la craie,
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.
O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d’oiseaux!
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.
René-Guy Cadou
sommaire
La télévision
Quand on branche la télé,
Mes amis, quel défilé!
Le négus, le roi d’Ecosse,
De vieux gus et de grands gosses,
Cendrillon dans son carrosse,
La véloce Carabosse
Chevauchant son balai-brosse,
Des prélats, des porte-crosses,
De beaux blonds, des rousses rosses,
Des colosses,
Des molosses,
Des rhinocéros atroces...
Et quand c’est le plus joli:
« Les enfants! C’est l’heure! Au lit! »
Jean-Luc Moreau, La Poésie comme elle s’écrit, Editions
ouvrières.
sommaire
La croisade des enfants
Pourra-t-on un jour vivre sur la Terre
Sans colère, sans mépris.
Sans chercher ailleurs
Qu’au fond de son coeur
La réponse au mystère de la vie.
Dans le ventre de l’Univers
Des milliards d’étoiles
Naissent et meurent à chaque instant
Où l’homme apprend la guerre à ses enfants.
refrain
J’suis trop p’tit
Pour me prendre au sérieux
Trop sérieux
Pour faire le jeu des grands
Assez grand pour affronter la vie
Trop petit pour être malheureux.
Verra-t-on enfin les êtres humains
Rire aux larmes, de leurs peurs
Enterrer les armes, écouter leur coeur
Qui se bat, qui se bat pour la vie.
Trop petit pour les grands
Assez grand pour la vie.
Poésie: la croisade des enfants
Paroles & Musique: Jacques Higelin
sommaire
Le corbeau et le renard
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché
Lui tint à peu près ce langage:
« Hé! bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli! Que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. »
A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit et dit: « Mon bon monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute:
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
Jean de La Fontaine (1621 - 1695)
sommaire
Ponctuation
__ Ce n’est pas pour me vanter,
Disait la virgule,
Mais, sans mon jeu de pendule,
Les mots, tels des somnambules,
Ne feraient que se heurter.
__ C’est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes majuscules
Se moquent toutes de toi
Et de ta queue minuscule.
__ Ne soyez pas ridicules,
Dit le point-virgule,
On vous voit moins que la trace
De fourmis sur une glace.
Cessez vos conciliabules.
Ou, tous deux, je vous remplace!
Maurice Carême (1899, 1978)
sommaire
Il pleure dans mon coeur...
Il pleut doucement sur la ville
Arthur Rimbaud
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un coeur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie!
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écoeure.
Quoi! Nulle trahison?
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon coeur a tant de peine.
Paul Verlaine (1844 - 1896)
sommaire
Ma bohème
Je m’en allais les poings dans mes poches crevées.
Mon paletot aussi devenait idéal.
J’allais sous le ciel, Muse! et j’étais ton féal.
Oh! Là! Là! que d’amours splendides j’ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse,
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Et je les écoutais, assis au bord des routes
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!
Arthur Rimbaud
sommaire
L’éléphantastique
Ils jouaient dans la classe
avec les mots et les images.
Ils apprivoisaient
peu à peu le langage.
Ils faisaient des charades
des rébus des comptines
des bouts-rimés des acrostiches
et des calligrammes.
Ils dessinaient tout un bestiaire
d’oiseaux quadrupèdes
velus ou bicéphales
des martaureaux et des cerfeuilles
des serpaons des escargorilles.
C’est ainsi qu’il est né
avec sa trompe longue
de papillon et ses huit pattes frêles
l’éléphantastique.
Michel François Lavaur
sommaire
La pendule
Je suis la pendule, tic!
Je suis la pendule, tac!
On dirait que je mastique
Du mastic et des moustiques
Quand je sonne et quand je craque
Je suis la pendule, tic!
Je suis la pendule, tac!
J’avance ou bien je recule
Tic-tac, je suis la pendule,
Je brille quand on m’astique,
Je ne suis pas fantastique
Mais je connais l’arithmétique,
J’ai plus d’un tour dans mon sac,
Je suis la pendule, tac!
Je suis la pendule, tac!
Pierre Gamarra
sommaire
Le cancre
Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur
Jacques Prévert, Paroles.
sommaire
Clown
Je suis le vieux Tourneboule
Ma main est bleue d’avoir gratté le ciel
Je suis Barnum, je fais des tours
Assis sur le trapèze qui voltige
Aux petits, je raconte des histoires
Qui dansent au fond de leurs prunelles
Si vous savez vous servir de vos mains
Vous attrapez la lune
Ce n’est pas vrai qu’on ne peut pas la prendre
Moi je conduis des rivières
J’ouvre les doigts elles coulent à travers dans la nuit
Et tous les oiseaux viennent y boire
sans bruit
Les parents redoutent ma présence
Mais les enfants s’échappent le soir
Pour venir me voir
Et mon grand nez de buveur d’étoiles
Luit comme un miroir
Werner Renfer, Jour et nuit
sommaire
Et demain?
Hier, je fus cheval
Avant-hier oiseau
Encore avant poisson
J’ai galopé dans la prairie
J’ai volé dans le ciel
J’ai nagé dans la mer
Aujourd’hui, je marche sur la terre
Je regarde le monde
Et je reconnais
L’herbe de la prairie
Les nuages du ciel
Les vagues de la mer
Je rêve et je me souviens
De ce que je suis
Jacques Charpentreau
sommaire
Les erreurs
(La première voix est posée, polie, maniérée
et
prétentieuse; l’autre est rauque, méchante et dure.)
Je suis ravi de vous voir
bel enfant vêtu de noir.
__ Je ne suis pas un enfant
je suis un gros éléphant.
Quelle est cette femme exquise
qui savoure des cerises?
__ C’est un marchand de charbon
qui s’achète du savon.
Ah! que j’aime entendre à l’aube
roucouler cette colombe!
__ C’est un ivrogne qui boit
dans sa chambre sous le toit.
Mets ta main dans ma main tendre
je t’aime ô ma fiancée!
__ Je n’suis point vot’ fiancée
je suis vieille et j’suis pressée
laissez-moi passer!
La môme néant
(Voix de marionnette, aigüe, cassée,
caquetante, voix de fausset.)
Quoi qu’a dit?
__ A dit rin.
Quoi qu’a fait?
__ A fait rin.
A quoi qu’a pense?
__ A pense à rin.
Pourquoi qu’a dit rin?
Pourquoi qu’a fait rin?
Pourquoi qu’a pense à rin?
__ A’ xiste pas.
Jean Tardieu
sommaire
Heureux qui comme Ulysse
Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage.
Heureux qui comme Ulysse
A vu cent paysages
Et puis a retrouvé après
Maintes traversées
Le pays des vertes allées
Par un petit matin d'été
Quand le soleil vous chante au coeur,
Qu'elle est belle la liberté,
La liberté.
Quand on est mieux ici qu'ailleurs,
Quand un ami fait le bonheur,
Qu'elle est belle la liberté,
La liberté.
Avec le soleil et le vent,
Avec la pluie et le beau temps,
On vivait bien contents
Mon cheval, ma Provence et moi,
Mon cheval, ma Provence et moi.
Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage.
Heureux qui comme Ulysse
A vu cent paysages
Et puis a retrouvé après
Maintes traversées
Le pays des vertes allées
Par un joli matin d'été
Quand le soleil vous chante au coeur,
Qu'elle est belle la liberté,
La liberté.
Quand c'en est fini de malheurs,
Quand un ami sèche vos pleurs
Qu'elle est belle la liberté,
La liberté.
Battus de soleil et de vent,
Perdus au milieu des étangs,
On vivra bien contents,
Mon cheval, ma Camargue et moi,
Mon cheval, ma Camargue et moi.
Paroles et Musique de H. Colpi / G. Delerue
Chant: Georges Brassens.
sommaire
Prenez un journal.
Prenez des ciseaux.
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur
que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite chacun des mots qui forment
cet article et mettez-le dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre.
Copiez consciencieusement dans l’ordre où elles ont quitté
le sac.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà un écrivain original
et d’une sensibilité charmante,
encore qu’incomprise du vulgaire.
Tristan Tzaza, sept manifestes de dada
© Société nouvelle des éditions Pauvert, 1979.
sommaire
Le chant de jubilation de Tsoai-Talee
Je suis une plume dans le ciel lumineux
Je suis le cheval bleu qui galope dans la plaine
Je suis le poisson qui virevolte et miroite dans l'eau
Je suis l'ombre qui suit l'enfant
Je suis la luminosité de l'après-midi, l'éclat des prairies
Je suis l'aigle qui joue avec le vent
Je suis un bouquet de perles étincelantes
Je suis la plus lointaine étoile
Je suis le grondement de la pluie
Je suis le scintillement sur la neige croûtée
Je suis la large traînée de la lune sur le lac
Je suis une flamme de quatre couleurs
Je suis un cerf qui s'éloigne au crépuscule
Je suis un champ de sumac et la pomme blanche
Je suis un vol d'oies dans le ciel d'hiver
Je suis la faim d'un jeune loup
Je suis totalement le rêve de ces choses.
Voyez-vous, je suis vivant, je suis vivant
Je suis en bons termes avec la terre
Je suis en bons termes avec les dieux
Je suis en bons termes avec tout ce qui est beau
Je suis en bons termes avec la fille de Tsen-Tainte
Voyez-vous, je suis vivant, je suis vivant .
N.Scott Momaday
Indien algonquien
sommaire
Le secret
Sur le chemin près du bois
J’ai trouvé tout un trésor :
Une coquille de noix
Une sauterelle en or
Un arc-en-ciel qu’était mort.
À personne je n’ai rien dit
Dans ma main je les ai pris
Et je l’ai tenue fermée
Fermée jusqu’à l’étrangler
Du lundi au samedi.
Le dimanche l’ai rouverte
Mais il n’y avait plus rien !
Et j’ai raconté au chien
Couché dans sa niche verte
Comme j’avais du chagrin.
Il m’a dit sans aboyer :
" Cette nuit, tu vas rêver. "
La nuit, il faisait si noir
Que j’ai cru à une histoire
Et que tout était perdu.
Mais d’un seul coup j’ai bien vu
Un navire dans le ciel
Traîné par une sauterelle
Sur des vagues d’arc-en-ciel !
René de Obaldia, innocentines,
Poèmes pour enfants et quelques adultes .
sommaire
Une graine voyageait
toute seule pour voir le pays.
Elle jugeait les hommes et les choses.
Un jour elle trouva
joli le vallon
et agréables quelques cabanes.
Elle s'est installée sur l'herbe
auprès d'une fontaine,
et s'est endormie.
Pendant qu'elle rêvait
elle est devenue brindille,
et la brindille a grandi
puis s'est couverte de bourgeons.
Les bourgeons ont donné des branches.
Tu vois ce chêne puissant :
c'est lui, si beau, si majestueux,
cette graine.
- Oui, mais le chêne
ne peut pas voyager.
Alain BOSQUET, Le cheval applaudit, Éditions Ouvrières
sommaire
odile
Odile rêve au bord de l'île,
Lorsqu'un crocodile surgit;
Odile a peur du crocodile
Et lui évitant un "ci-gît",
Le crocodile croque Odile.
Caï raconte ce roman,
Mais sans doute Caï l'invente,
Odile alors serait vivante
Et, dans ce cas, Caï ment.
Un autre ami d'Odile, Alligue,
Pour faire croire à cette mort,
Se démène, paye et intrigue,
D'aucuns disent qu'Alligue a tort.
Jean Cocteau, le Potomak
sommaire
Le
petit garçon avait dessiné une maison ;
la
première partie, faite au printemps, en était très bleue avec un nuage bien blanc ;
la
seconde, dessinée en été, éclatait de soleil ;
la
troisième, conçue en automne, était couverte de feuilles d’arbre mortes ;
et la dernière partie était tout enneigée.
Le
petit garçon, dans son tableau, avait aussi collé du jour,
de la
nuit noire ou étoilée,
des semailles et des moissons.
Il
y avait également une mère, un père, des enfants, un chien
et des oiseaux.
Enfin,
il avait ajouté du bonheur et des larmes.
Jean Rivet
La complainte du petit garçon, coll. L’enfant, la poésie)
|